Ce texte est totalement nul. L'histoire se traîne, l'intrigue est inexistante, etc.. Quant à l'écriture ! Misère ! Je le présente comme le document d'une époque, car cet impérissable chef-d'oeuvre est paru dans 3 numéros du "Journal des voyages de 1907", et l'image ci-dessus a fait la une du premier numéro. Aucune moquerie "ah qu'ils étaient bêtes" ... car il suffit d'aller chez le premier marchand de journaux du coin pour constater que, dans la sottise, on a été nettement plus loin, et ce n'est pas terminé !
La première chose que je demandai au major, ce fut de vouloir bien monter sur ma malle, parce que n'arrivai pas à en boucler le couvercle. Puis, après seulement, je lui dis bonjour. « Vous partez donc en voyage ? interrogeât-il, lorsque le poids de son corps de géant eut amené le résultat que j'en attendais. Et où allez-vous? Vous ne retournez pas en Europe, pour me laisser tout seul ici, je pense ? - Non, non, répondis-je, rien d'important. Je vais seulement... à Bombay, pour y expédier en France quelques-unes de mes collections zoologiques. Mais je reviens, aussitôt cette formalité accomplie. - C'est-à-dire dans une quinzaine de jours? - Je ne sais pas. Combien de temps faut-il pour ailler à Bombay? - Vous prenez le chemin de fer à partir d'Indora n'est-ce, pas ? - Oui, et, jusque-là, la diligence. - Qui vous traînera pendant dix-huit heures à travers des chemins indescriptibles. Je vous plains sincèrement. Cependant j'endurerais volontiers ce supplice, pour m'en aller, ne fût-ce que quelques jours, loin de ce paysde sauvages! ... Vraiment, il y a desmoments où j'ai envie de démissionner... - Vous ne me convaincrez pas, l'interrompis-je en riant. Moi, j'adore cette jungle de Rewahpur, et je n'ai qu'un regret, c'est d'être obligé de m'en absenter. - Parbleu ! Vous êtes au plein cœur de la patrie des tigres, des crocodiles et des serpents ; et puisque c'est votre métier de vous intéresser à ces sales bêtes, vous auriez bien tort de vous plaindre. Mais moi qui n'ai pas cette consolation... - Vous avez celle de faire votre métier, vous aussi. Le gouvernement de Sa Gracieuse Majesté Britannique vous a confié le commandement du 6° escadron des hussards blancs, pour réprimer les trouble révolutionnaires qui agitaient cette province, et vous pouvez être satisfait d'avoir réussi. - J'ai tellement réussi que j'en suis navré, mon cher. Au moins c'était amusant, ces alertes perpétuelles, ces embûches ouvertes sous chacun de nos pas. Il fallait s'attendre, à chaque sortie, à être frappé par derrière, et, à chaque repas, à être empoisonné... Mais maintenant, le pays est absolument tranquille... Heureusement que l'événement prochain va peut-être remettre les choses en état, quand le peuple apprendra la nouvelle. - De quel événement parlez-vous ? - C'est vrai, vous ne savez pas... Du reste personne ne le sait encore. On a tenu la chose absolument secrète, jusqu'ici. Enfin, voilà: le maharajah de Rewahpur va mourir. - Que dites vous De quoi meurt-ils ? -Peuh, de rien et de tout! D'ennui, de consomption, de vieillesse. - Comment, de vieillesse ? II n'a pas vingt ans. - On meurt de vieillesse à tout âge, et, à vingt ans, quand on a le corps aussi usé, l'âme aussi vide qu'il les a, on est plus un vieillard que bien des octogénaires. Ce n'est plus qu'un ombre, cet enfant, le dernier vestige d'un immense passé. Il meurt écrasé sous le poids de sa race. - Mais en quoi sa mort, si elle survient peut-elle amener des troubles ?Ce fantôme a-t-il sur son peuple la moindre influence ? - Aucune, et c'est justement. Le maharajah n'est plus qu'un signe, un symbole, à l'abri duquel agit le gouvernement anglais Mais lui-même n'a aucune volonté. Le peuple subit avec confiance les ordres qui lui viennent de ce souverain invisible, enfermé derrière les murs de son immense palais … En réalité, c’est nous qui les donnons. - Mais ne pourra-t-on agir de même avec son héritier ? - Non. Parce que ce qui fait notre force avec le maharajah actuel, c’est l’isolement même où il vit. Le peuple ne l’a jamais vu, on ne le connaît pas. Songez que depuis sa naissance, il n’est pas sorti une fois du palais. - Il n’a pas d’héritier direct ? - Non. C’est ce qui fait le danger. La question est du reste assez obscure. Il y a plusieurs prétendants à la couronne, toutes sortes de machinations clandestines sur lesquelles je vous renseignerai peu, car je ne suis rien moi-même … Toujours est-il que cette mort là nous prépare peut-être bien des surprises. - Mais est-il impossible de le sauver ? On ne rallume pas un flambeau quand toute la cire est fondue … mais, bah ! Laissons cela ! Vos bagages sont enfin terminés … Vous ne partez pas ce soir ? - Non, demain - Et bien ! Venez vous asseoir sous la véranda, et donnez-moi quelque chose à boire. Je meurs de soif. » Le major vint s’étendre sur une chaise longue, où il s’allongea, les bottes plus hautes que la tête, étirant ses grands bras et bâillantférocement. « Ah! Me dit-il, pourquoi ne m’emmenez-vous pas avec vous pendantces quelques jours ? Quelle joie j’aurais de quitter Rewahpur !... Il est vrai qu’il y faudrait revenir après, et ce serait plus dur encore !... Mais ne vous attardez pas des mois là-bas, hein !... Qu’est ce que je m’en vais faire pendant votre absence ? Si seulement j’avais du bon opium ! - Je croyais que vous aviez fait vœu de n’en plus fumer ? - Oui, mais à Rewahpur, le vœu ne tient plus, on s’ennuie trop ! Et comme il n’y a pas d’autres distractions possibles, ma foi, tant pis ! Tant qu’on est sous l’influence de la fumée noire, on oublie sa misère !... - Pour l’éprouver plus douloureuse après ! - Oh ! oh ! Allez-vous me faire la morale ? Vous parlez comme une affiche anti-alcoolique ! Dirait-on vraiment que je suis un opiomane invétéré ? Regardez mes pectoraux et tâtez mes biceps, et avouez, mon cher, que je ne suis pas encore intoxiqué ! -Non, le fait est ! Aussi, pour ne pas vous paraître trop sévère, je vous rapporterai de Bombay un échantillon choisi de votre cher poison ! - Je vous remercie. Et moi, je vous promets de dénicher dans la jungle quelque animal inconnu qui fera la gloire de vos collections. En attendant voici le soir qui tombe. Venez-vous dîner avec moi ? - Ce serait avec plaisir, mais j’ai quelques préparatifs à terminer, et … - Entendu, entendu… Vous n’avez pas besoin de moi ? Non ? Alors je viendrai vous dire au revoir demain matin. D’ici là, bonne nuit. » Il partit, et je restai accoudé à la véranda, regardant devant moi les maisons basses du village abritées sous les hauts platanes, et, plus loin, devant l’immensité sombre de la jungle, la grande forme capricieuse du palais, encore tout baigné de lumière, et au fond duquel agonisait le maharajah. Tout y semblait silencieux et désert. Par contre, l’animation du soir emplissait les rues du village. Des hommes et des femmes allaient et venaient, portant des fardeaux, des corbeilles, des jarres pleines d’eau. Leurs pas soulevaient la poussière très blanche du chemin. Parfois, un vieillard passait sur un âne, secoué par le trot court de la bête, ses pieds touchant presque le sol. Des enfants jouaient sous les arbres. On voyait de grandes chauves-souris qui volaient. Quand la nuit fut tout à fait venue, je rentrai dans la maison. La première chose que je vis c’est que quelqu’un y était entré avant moi. J’étais certain d’avoir laisser retomber la portière et elle s’était soulevée. Je fis un pas dans l’intérieur, et j’aperçus, debout près d’une table, une forme humaine qui se tenait immobile et qui ne bougea pas lorsque je parus. Dans un mouvement de surprise je laissai retomber derrière moi la portière. L’obscurité complète se fit. Alors j'entendis un frôlement d’étoffes, j’entrevis une lueur. Et à la flamme d’une petite lampe indienne qu’elle tenait à hauteur de son visage, une jeune femme d’une merveilleuse beauté m’apparut et se tint devant moi, silencieuse, sans autre mouvement que celui de sa main qui tremblait un peu et faisait vaciller sa lumière. C’était une Hindoue, d’un type très pur. Un voile bleu l’enveloppait tout entière. Je voyais seulement luire ses yeux et les anneaux d’or de ses oreilles. Malgré son immobilité elle semblait inquiète, et le sentiment qu’exprimait son regard était avant tout de la crainte. Nous restions sans bouger, nous observant l’un l’autre pour deviner les sentiments mutuels qui nous agitaient. Elle comprit sans doute que j’étais plus charmé que surpris de cette étrange apparition, et, voyant que j’allais lui adresser la parole, elle me fit signe de ne pas parler. Puis, posant sa lampe sur la table, elle tira de son manteau trois petites boites rectangulaires et les plaça à côté. Enfin, elle alla à la porte, écouta anxieusement, au dehors, ferma la serrure et revint auprès de moi. J’avoue que je ne songeai pas un instant à m’inquiéter de ces étranges allures, et pressé de savoir le mot de cette énigme, je lui indiquai d’un geste que j’étais prêt à l’écouter. Elle parla d’une voix harmonieuse et lente, mais tout bas, comme si elle craignait d’être entendue. « Sahib, me dit-elle, promets-moi que tu feras ce que je te demande. Je suis la femme d’un riche marchand de Rewahpur, mais s’il savait que je suis sortie de la maison pour venir te parler, il me tuerait. « Voici ce que je veux : je sais que tu pars à Bombay, je t’ai apporté ici dans ces petits coffrets de l’opium qu’il faut que tu vendes. Mon mari m’a refusé des bijoux que je voulais, et il me faut beaucoup d’argent pour les acheter. L'opium qui est là dedans vaut très cher et on t’en donnera plus que son poids d’or. Ni le maharajah, ni le vice roi, ni personne n’en ont jamais fumé de pareil. Tu iras chez Abdullah Singh qui est le marchand dans la grande rue de Bombay. Tu lui donneras les trois coffrets en lui disant qu’ils viennent de Rewahpur, et que c’est de l’opium vert de Malva cueilli dans les jardins de la reine ; en échange, il te remettra beaucoup d’argent, et tu me le rapporteras à ton retour. Je serai là, dans ta maison, comme ce soir. Lorsque tu reviendras. Surtout, ne dis rien à personne. Car si mon mari apprenait que je suis venue, il me tuerait, et c’est toi qui serait cause de ma mort. - Est-ce tout ? Demandai-je un peu surpris. - C’est tout. N’oublie pas ce que je t’ai dit : Abdullah Singh, marchand dans la troisième maison de la grande rue. Si tu as pitié d’une pauvre femme, tu feras ce que je te demande ; et lorsque tu rapporteras l’argent je serai heureuse. » Une si douce prière ne pouvait que me toucher. Je la considérais en silence, admirant ses sombres yeux sauvages, la grâce de son corps de statue, l’émotion qui faisait trembler ses lèvres, et je me promettais de lui obéir point pour point, ne fût-ce que pour mériter en récompense un sourire de cette bouche de déesse et pour voir luire une fois encore l’éclair de cet étrange regard. Cependant elle avait ramené sur elle les plis de son manteau et repris sa lampe. Cet entretien charmant devait-il déjà se terminer ? Je l’arrêtai d’un geste. « Mais, lui dis-je, comment as-tu appris que je partais ? Qui es-tu ? Où habite ton mari ? Comment se fait-il que tu me connaisse et que je ne t’aie jamais vue ? » Je vis briller ses dents éclatantes dans un sourire : « Ne me demande rien, dit-elle, je suis venue te prier de me rendre un grand service et je t’ai dit que tu me ferais plaisir en m’obéissant. Si tu veux savoir autre chose, j’irai chercher un autre que toi pour lui confier mes coffrets, et tu ne me reverras jamais plus. - C’est bien, lui dis-je. Je n’insiste pas. Mais parleras-tu à mon retour ? - Peut-être, dit-elle. Fais d’abord ce que je t’ai demandé. Et maintenant adieu. Il faut que je me hâte de rentrer à la maison. - Un mot encore, cependant. Combien le marchand doit-il me donner ? - Pour chaque coffret, cinq mohurs d’or. - Cinq mohurs d’or, mais c’est fou !... Jamais opium, si délicieux qu’il soit, n’a valu même le quart d’une pareille somme ! Le marchand ne peut en vouloir à ce prix ! - Répète-lui seulement les paroles que je t’ai dites, et il te donnera l’argent demandé. A présent laisse-moi partir … Ne me suis pas surtout. Je ne veux pas que l’on sache où je vais. » Elle gagna la porte si rapidement que je ne pus m’opposer à son passage. Quand j’y arrivai derrière elle, sa petite lampe s’était éteinte dans la nuit. Je n’entendis même pas le frôlement se sa robe. Elle s’était évanouie comme une ombre. Le jardin, la route, tout était désert. La nuit était d’ailleurs très obscure, il n’y avait plus personne dans les rues du village. Aucune lumière ne brillait. Seule, là-bas, très loin, devant une fenêtre au haut d’une tour, dans le palais du maharajah, une lampe étincelait comme une étoile d’or. Veillait-elle le mort ou l’agonisant ? Je n’aurai su le dire. Bientôt, du reste, elle s’éteignit et tout rentra dans les ténèbres … Je revins lentement à la maison. J’étais encore sous l’impression de cette visite mystérieuse, et je me demandais si les haleines fiévreuses de la jungle n’avaient pas agi sur mon cerveau en me rendant le jouet d’une hallucination. Mais les trois coffrets sur ma tableme prouvaient que tout ce qui venait de se passer était bien réel. Qu’est-ce que cela voulait dire ? Je pris les petites boîtes et les examinai avec soin. C’étaient de simples coffrets de corne avec des incrustations dorées, comme on en trouve couramment. Le couvercle était simplement emboîté,sans scellés ni serrure. J’en ouvris un. Il contenait bien de l’opium. Je reconnaissais facilement la pâte visqueuse et brune, l’odeur très particulière de coquelicot écrasé qui s’en dégage ; et cette odeur était si pure que je me rendis compte de la valeur de l’échantillon qu’on m’avait confié. Cependant, le prix demandé était réellement excessif. « Après tout, pensai-je, ma mystérieuse inconnue ne sait peut-être pas la juste valeur de cette marchandise … Ou bien n’est-ce tout simplement qu’un moyen de me le faire acheter. - Il n’y a peut-être jamais eu de marchand du nom d'Abdullah Singh dans la rue de Bombay, ou, s’il y en a un, il me couvrira d’invectives lorsque je lui proposerai un tel marché… Je me sens, en effet très capable, pour contribuer à l’achat des bracelets qui ont tenté cette exquise créature, de payer ce produit dix fois ce qu’il vaut… Ah ! Et puis, non après tout, je ne veux pas être dupe !... Cependant, que lui dirai-je quand elle reviendra ? Et puis, il est possible que le marchand en veuille… Il est certain que, pour un amateur, cet opium est d’une qualité qui n’a pas de prix… Tiens ! J’en parlerai au major… il est assez riche pour se passer cette fantaisie, et comme cela, j’éviterai les lamentations d’Abdullah Singh, si Abdullah Singh il y a ! » J’agitai toutes ces réflexions dans ma tête jusqu’àce que l’envie de dormir vint y mettre un désordre inexprimable. J’en rêvai avec incohérence une partie de la nuit. Si bien que le lendemain matin, je ne m’éveillai que lorsque la voix du major retentit sous la véranda, demandant à Akbar, mon serviteur indigène, si j’étais déjà parti. Je lui racontai en peu de mots les événements de la veille. Aux premiers mots d’opium, son œil étincela. Je n'avais pas fini mon récit qu’il sortit de sa poche une poignée de guinées et les étala sur la table. « Livrez-moi la marchandise ! S’écria-t-il. Je veux souffler l’affaire à votre Abdullah Singh. Il n’aura rien du tout. Je mets une surenchère de cinq livres ! Comme cela tout le monde sera content : la dame, qui pourra s’offrir un anneau de nez en plus ; vous, à qui elle fera deux sourires au lieu d’un ; et moi qui aurait de quoi me consoler de rester tout seul ! Il n’y aura que votre marchand de la rue… chose… mais puisqu’il n’en saura rien ! - Rassurez-vous sur le sort du marchand, fis-je… mon avis sincère est qu’il n’a jamais existé. - En ce cas, cela m’enlève mes derniers remords… Mais goûtons tout de suite à cette ambroisie… Vous avez bien ici une vieille pipe, j’imagine… - Je dois avoir quelque chose de semblable, répondis-je, en atteignant un petit plateau où se trouvait une fumerie complète. Bien que je n’en use pas moi-même, je ne dois pas oublier que mes amis ont des vices qu’il faut bien leur passer. C’est pour moi que vous dites cela, n’est-ce pas ? Mais vous pouvez aller, rien ne m’atteint aujourd'hui. Je suis trop content de mon achat…, Voyons un peu ceci. » Il souleva un peu de la pâte au bout d’une longue aiguille, la façonna sur le fourneau de la pipe, puis l’approcha de la petite lampe, et se mit à fumer. « Eh bien ? Demandai-je. - Très bon… très bon… exquis ! - Mais pas plus ? - Mais pas plus, certainement. C’est, à n’en pas douter,j ,le meilleur opium que j’aie jamais fumé, mais enfin il n’ y a pas une telle différence avec les autres pour motiver un pareil écart de prix… Néanmoins je ne regrette pas mon acquisition… je l’aurais payé le double encore s’il avait fallu… j’en avais une envie folle, et j’aurais pu tomber sur moins parfait que ceci. Mais, dites donc, je ne veux pas vous mettre en retard. Vous partez, moi aussi. Vous me retrouverez à votre retour sur mon lit de camp, la pipe au bec… Je n’aurai pas bougé… Du reste, je serai mieux sous ma tente. Votre fumerie ne vaut rien. On voit que vous ne vous en servez jamais… En attendant, au revoir, et bon voyage… ne tardez pas trop. Quand vous reverrez la dame, remerciez-là pour moi. Dites-lui que, si elle a d’autre opium semblable, je lui en rachèterai au même prix exorbitant, pour lui faire plaisir , et à vous aussi… Maintenant bonsoir. Bien qu’il soit matin, je vais me coucher ! »