L'opium, vu par "SENSATION", mensuel léger des années 50 (le poil y était encore considéré comme pornographique !) Amusant ! Le décor vaut sont pesant de petits LU : de l'encens, des aiguilles à tricoter, et une pipe à eau - chinoise, tout de même, on est puriste à Sensation ! - pas à opium du tout. Et "On aspire deux à trois bouffées" : une micro pipe tyrolienne, quoi ! Tous les poncifs de l'époque y sont sur les méchants et perfides Chinois. On a même droit au supplice de la "goutte d'eau", que d'imagination ! Quant au style... misère ! L'auteur nous parle d'une mystérieuse poudre, la racine séchée de Yo-Im-Be, aphrodisiaque permettant d''extraordinaires prouesse,même aux plus vieux. J'ai bien peur que l'auteur ne confonde avec la yohimbine,aphrodisiaque provenant ...d'un arbre géant d'Afrique. (En fait c'est un vasodilatateur. Comme aphrodisiaque, il vaut encore mieux une jolie femme). De plus, cette substance augmente la sécrétion de lait... Alors, attention, on se veut en Rocco Siffredi ... et on se retrouve nourrice !
LES NOUVEAUX MYSTERES DE PARIS Chez les Chinois de Paris.)
AMOUR, DROGUE et FOLIE
J'ai connu Maya dans les boîtes de Saint-Germain-des-Prés. Elle faisait partie de la figuration obligatoire ; selon l'heure ou l'occasion, elle vend des fleurs, des journaux ou son petit corps maigre et vicieux. Quand elle est bien saoule, vers quatre heures du matin, elle pleure. Elle dit qu'elle est d'une bonne famille, qu'elle a été bien élevée et que c'est affreux d'être « tombée si bas Après tout, c'est sans doute vrai, mais chacun s'en f.. Mais ce qui est certain c'est qu'elle a été, durant plusieurs mois, la maîtresse de Wang, un Chinois. et qu'elle m'a fait sur son amant de singulières confidences. Les voici....
Je n'avais jamais vu Wang avant le 6 mars, à dix heures moins cinq du soir.. Le même jour, à dix heures moins quatre, devant le Potin du boulevard Sébastopol, je faisais sa connaissance ; et après une brève discussion d'ordre financier, il m'accompagnait dans un hôtel de passe de la rue Geneta. Ce Chintoke était mon sixième client de la soirée. J'étais fatiguée, un peu saoule et dégoûtée de ce qu'un miché avait exigé de moi. Quand Elisa, la bonniche, vint se faire payer de la chambre mon client dit, d'une voix de gorge : — Moi payer, mais pas être dérangé... Et quand nous fumes seuls, il tira, non pas les cinq cent francs promis, mais trois billets de mille de son portefeuille. Ce qui me dessoula un peu. Je me déshabillai de bon coeur. Il est resté jusqu'à cinq heures du matin, sans arrêt ! Je ne volai pas mon argent. C'était la première fois que je faisais des études pratiques sur l'ethnographie asiatique, comme aurait dit mon professeur, du temps que je préparais mon bacc... Aucun rapport avec tout ce que les Européens avaient exigé de moi jusque-là ; je les connais tous, pour ainsi dire, les boulots et les bourgeois, les Fridolins et les Amerloks. On croirait qu'ils ont le feu où je pense... Et je me dépêche, à croire qu'ils battent un record. Ah ! Tandis que mon Wang, tout le contraire ! Comme si mon micheton à la gomme-gutte se disait, comme ça : — Faut rattraper par la durée ce qui me manque en quantité. Parce que — je peux bien vous le dire — la Nature n'a pas été généreuse pour les Fils de Han... Un soupçon, un rien... Et des petits mouvements - bien discrets... Pas une crispation de la figure, rien... rien...
Mais, alors, quelle durée !... Au début, j'en étais toute ahurie... Et puis l'appétit vient en mangeant, même quand la portion est congrue. Si bien qu'au bout d'une heure ou deux, non seulement je ne sentais plus ma fatigue, mais encore je faisais de mon mieux... A deux heures du matin, il n'aurait pas chanté comme Pierrot : « Ma chandelle est morte »... Mais il ajouta deux faffes à mon petit cadeau. Et il a recommencé... Si bien que, quand nous nous sommes quittés, nous étions les meilleurs amis du monde, sauf que j'avais la tête vide, les genoux en pâté de foie et la bouche sèche. Mais il me dit : — Si tu veux bien de l'argent, viens chez moi. Et il m'a donné son adresse. J'y suis allée. Par curiosité d'abord... Parce qu'un miché qui sème les sacs, c'est plutôt rare, à l'heure qu'il est... Et ensuite.. Ça serait tout de même idiot d'avouer que je ne gardais pas un mauvais souvenir de cette nuit... Le passage Saint-Hippolyte débouche dans la rue de Reuilly, derrière la gare de Lyon. Si vous avez la curiosité d'aller dans ce cul-de-sac, vous le reconnaîtrez facilement. C'est l'endroit de Paris où ça pue le plus. J'ai relu deux fois l'adresse qu'il m'avait remise. Pas d'erreur ? c'était bien là... Une drôle de paroisse pour un type capable de vous refiler cinq billets pour une nuit d'amour. Des baraques en bois, aux carreaux cassés. Un chien qui vient flairer mes nylons... Je manque me casser ma jolie petite gueule sur des pavés glissants. Oui, au 4, c'est là ! J'y suis. Pas besoin de frapper. La porte est ouverte. Et là, dans la plus sale piaule que j'ai jamais vue de ma garce de vie, quatre Chintokes accroupis dans un atelier qui sentait le cuir et une drôle d'odeur sucrée que j'appris à connaître ensuite. Tous pareils, mes magots... A ne plus savoir lequel m'avait comblé de ses faveurs... Mais voilà le plus moche du quatuor qui se lève et qui vient à moi... Mon cher, mon doux amant, le nommé Wang ! Plus laid encore en veston qu'à poils. Et ricanant toujours. Pendant tout le temps que nous resterons ensemble, il rira toujours, d'un rire crispé, exaspérant, n'ayant aucun rapport avec une gaîté saine et franche. Les autres Jaunes ont foutu le camp comme des rats. Je suis restée seule avec lui. Il m'a dit, mais oui, qu'il m'aimait, qu'il était tout fier que je ne me sois pas moqué de ,lui et que j'avais fait " ha ha !" au moment qu'il fallait. Bien sûr qu'il n'a pas employé ces mots-là, mais j'ai d'autant mieux compris que je sais l'anglais et qu'il s'y défend mieux qu'en français.

Donc, on s'est mis en ménage. J'avais une petite carrée, pas si mal que ça, au-dessus de l'atelier des quatre pains d'épices. Si ça puait tant le cuir, c'est qu'ils y faisaient de la maroquinerie. Pour tout dire, de la maroquinerie au bluff. Parce que je ne leur ai jamais vu vendre un seul sac ou un seul porte-carte. Mon Wang chéri avait autre chose à vendre, une autre marchandise capable de faire, à tous points de vue, le bonheur de sa Maya. Que les aimables Françaises qui liront ces confidences ne se fassent pas trop d'illusions. Je ne sais pas si les autres Célestes restent au septième ciel, comme le mien, durant des heures et des heures. Il avait, mon Wang, une drogue, dont il usait pour lui et dont il tirait surtout son casse-croûte. Et quant aux trois autres Chinois, bien qu'ils reniflaient et roulaient des mirettes obliques, n'empêche qu'il n'y en pas un seul — même quand nous étions seuls — qui ait osé me faire du gringue... Alors, quand il a eu, au bout de quelques jours, confiance en moi, Wang m'a mise à la vente de sa drogue. Dans un bar chic — le Pingouin — près de la rue de Berri. Une petite putain comme toutes les autres : moi. J'ai négligemment posé mes gants sur le guéridon. Ils sont tombés en croix. Signal bien discret. Suffisant cependant pour attirer l'attention d'un client. Un vieux monsieur très bien. De petits sourires, des minauderies... Je viens à sa table. Même Albert, le barman, qui est plus ou moins indic, ne se doute de rien. Un quart d'heure après je suis embarquée par le client, et nous nous dirigeons vers l'hôtel de passe de la rue de Berri, celui qui se trouve près d'une maison de thé, presque au coin des Champs-Elysées

|