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"PAVOTS BLEUS", "Partie en fumée", "La forêt", "Être à deux"
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Pavot bleu
Pavot bleu de tes yeux Où l’or s’endort.
Quand la nuit s’enfuit Donne-moi ton émoi De cœur à corps
Sans l’esprit que je prie.
Partie en fumée
Son souffle a pris ma vie à l’audace d’un soir Depuis lors je m’absente du cours des jours blêmes. Et en vain je le suis sur le long chemin noir Car aveugle il se tient devant l’or que je sème.
Je respire l’ivoire aussi froid que son cœur. Lui me parle bien mieux que ses lèvres serrées. Il me dit sans un bruit le langage des fleurs Et l’incommunicable sens des vers dorés.
Mais lorsque ma bouche se fiance à la pipe Ma chair orpheline se souvient de son nom : Un homme, à l’assurance triste qui s’agrippe Et tarit le bonheur jaillissant de mon don.
Les aiguilles agitées, pacifiques, me tentent Et d’un trait j’aimerais me percer l’âme avec. Oublier, oublier cette détresse lente, Acharnant mieux la vie que les vers l’arbre sec.
L’espoir clair de la lampe attire mon regard. Papillon ivre de mort, j’y perçois mon geste : L’amour brillant dont ses yeux jamais ne se parent, L’amour d’une femme qui s’immole sans reste.
La forêt
Belle reine barbare à la parure verte On va jusqu’en ton sein par des chemins perdus. Tes entrailles blêmissent au soupir fondu D’une étrange pensée que la brume a couverte.
Mais au cœur averti il n’est point de mystère. Les confuses paroles et symboles lui disent Ce que l’esprit du haut de son trône méprise : « Je suis commencement, vie et fin, où tu erres. »
On se croit seul dans un royaume végétal. Or, sont là tous les êtres à observer l’impie. Milles vies nous entourent, mille yeux nous épient Près des fûts érigés scandant l’air vespéral.
Et parfois le soleil tend ses doigts de lumière A travers la chevelure lourde et bruissante. Il allume des feux d’émeraude changeante De saphirs et rubis en tapis de prière.
On se plaît à s’étendre et goûter aux fruits mûrs, Douces lèvres vermeilles au délicat parfum Qui nous comblent de joie et apaisent la faim. Puis on s’endort, amoureux des hautes ramures.
Mais la dame a fardé sa sauvage beauté Et revêtu ses reins d’une armure d’épines, Par de brûlants drapés repoussé les rapines. Sous tes dehors exquis tu tais la vérité.
Tes obscurs secrets grouillent de saintes horreurs. Tu fais jaillir la vie d’infectes pestilences. Champignons, vers et larves en bonne complaisance, Discrets mangeurs de mort s’acharnent au labeur.
Tes colonnes nourries d’un poison salutaire Jettent dans leur verdure trépas et oubli. Crache ton ventre des pourritures anoblies Que des siècles de songe ont martelées en terre.
Qu’est la mort en regard de toutes ces luxures ? Tu la tiens sous ton joug et la rend misérable. Elle est froide ou brûlante, de glace ou de sable Et fuit devant l’odeur des putrides verdures.
Mer de fertilité, tu élagues le temps Et l’existence puise à ton œuvre sa voie Les anciens contes prient sur l’autel de tes bois Et nous font percevoir la sagesse du vent.
Être, à deux
Tu es le soir et je suis le songe Tu es le désir et je suis le sentiment Tu es la caresse et je suis l'instant Tu es le regard et je suis le jade Tu es le trésor et je suis le secret Tu es l'étoile et je suis l'infini Tu es la couleur et je suis la main Tu es la musique et je suis le goût Tu es le nom et je suis l'inspiration Tu es le poème et je suis le temps
Tu es la lumière et je suis la cigale Tu es l'aiguille et je suis le mouvement Tu es le parfum et je suis la fumée Tu es ma drogue et je suis ton remords Tu es le miroir et j'aimerais être ton âme
Tu es l'absence et je suis le souvenir Tu es le silence et je suis la souffrance Tu es l'indifférence et je suis le cynisme Tu es l'inattendu qui appelle ma mort Quand tu es l'intérêt, tu n'es plus le mien Tu es mon plus grand regret lorsque je suis ton jouet Tu es ma plénitude et je ne suis plus rien Mais ton cœur n'est pas mien et l'amour nous sépare. Si tu voulais...
Doriane de Retz
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