Un Poème de Doriane de Retz






 
Souffle de vie



 

La terre a caché si longtemps ton secret dans ses fruits gonflés
Qui sous la lame saignèrent les larmes de la métamorphose.
Trésor brun, digne fils de ta mère généreuse,
Ton père n’est connu que des voyants maudits.

Sur le sceptre de sagesse qui pour une heure me sacre reine
Le feu distille ton âme de chaque goutte versée.
Le fourneau rond ne connaît pas les limites,
Porte de la Voie, il te conduit à mon ignorance.


Parole muette, tu t’enfuies en volutes blanches
Vers le ciel d’où tu viens, et qui t’inspire.
Ma bouche t’a enfin prononcée après t’avoir tant cherchée.
Mais en vain j’espère te retenir, toi qui féconde mon être.


Sous ta caresse intime s’éteint la turbulence du dehors.
Les sens adultères tirent leur irrévérence.
L’or et la boue s’épousent, le mal et la beauté se cajolent.
Et l’esprit se pavane, dédaigneux des insultes de la science.


L’amour se repose de sa démence de chair extasiée.
Écorché, délivré du mouvement, le Sentiment éternel le soutient.
Et mon cœur que rythme le tendre souvenir de l’aimé,
Devient lui tout entier, œil du monde que rien ne contraint.


La mort me semble douce, qui ouvre la prison de la vie sous ses baisers.
Sans les connaître, je chante les rêves des poètes oubliés.
J’ajuste ma pensée agile à celle des philosophes.
Et sans le moindre effort, le geste héroïque m’invite.


L’œil d’or du Dragon capturé dans l’orbe transparent de la lampe
Illumine ma conscience allongée au cœur des ténèbres.
Son souffle vénéneux au tuyau transporté, façonne mon Milieu.
Je ne sais plus qui je suis, je suis les dix mille êtres.


Mais le temps, amant féroce de la matière, me regarde et sourit.
Aux heures envolées, il suggère mon désir fou de renaître qui soutient son pouvoir.
Et finalement convaincue par ma faible existence en réveil,
Je me dresse dans le jour où plus rien n’est possible.

 

Doriane de Retz 







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