L'HEURE VERTE


 

Comme bercée en un hamac,
La pensée oscille et tournoie,
A cette heure où tout estomac
Dans un flot d'absinthe se noie.

Et l'absinthe pénètre l'air,
Car cette heure est toute émeraude.
L'appétit aiguise le flair
De plus d'un nez rose qui rôde.

Promenant le regard savant
De ses grands yeux d'aigues-marines,
Circé cherche d'où vient le vent
Qui lui caresse les narines.

Et, vers des dîners inconnus,
Elle court à travers l'opale
De la brume du soir. Vénus
S'allume dans le ciel vert-pâle.

                                                                          

Charles Cros

                                                                  Le Coffret de Santal.



 



De l'absinthe on dit pis que pendre
Et l'on a trop, souvent raison,
Mais tout dépend de la maison
Où cette absinthe on va la prendre.

Je ne prétends pas vous l'apprendre,
Car, ce serait hors de saison,
Mais à Premier Fils jamais on
N'eût rien que dis grâces à rendre.

Plus de folie ou de trépas,
Ici, pas l'ombre d'une plainte :
Son produit n'empoisonne pas.

Tout au contraire, un peu d'eau teinte
D'un filet de sa saine absinthe
Dispose à faire un bon repas.
 
Henri Second

(Tiré de "Cent Sonnets Gourmands Dauphinois - et Poésies Culinaires diverses", Imprimerie Générale, Grenoble 1907
.






Avouez que ce Second est positivement prodigieux ! Et pour  cause, il est de ma famille (du côté de ma mère), si si. J'ai du hériter de son prodigieux talent , c'est certain.  Ces bouffées de transcendances,  quand je me rase, ces poussées de génie, qui me surprennent au bain, pas de doute, je les dois à Second. Merci tonton !

 
 



Alfred de Musset


 

A cette heure où tout estomac Salut, verte liqueur, Némésis de l'orgie!
Bien souvent, en passant sur ma lèvre rougie,
Tu m'as donné l'ivresse et l'oubli de mes maux;
J'ai vu plus d'un géant pâlir sous ton étreinte!
Salut, sœur de la Mort! Apportez de l'absinthe;
Qu'on la verse à grands flots!

Il est temps à la fin que je te remercie:
Celui qui ne sait pas toute la poésie
Qu'un flacon de cristal peut porter en son flanc,
Celui-là n'a jamais près d'une table ronde,
Vu d'un œil égaré les globes et le monde
Valser en grimaçant.

Il ne soutiendra pas sans que son cœur défaille
Qu'il n'est pas sur la terre une chose qui vaille
De l'ivrogne absinthé le sommeil radieux,
Qui peut, quand il lui plaît, durant son rêve étrange,
Quittant le corps humain, sentir des ailes d'ange
L'emporter dans les cieux.

Moi, je t'aime! Aux mortels ta force est plus funeste
Que la foudre, le feu, la mitraille, la peste,
Et je te vis souvent terrasser le soldat,
Insoucieux de tout, contentant son envie,
Quoique sachant trop bien qu'il te donne sa vie
Qu'épargna le combat.

J'aime ta forte odeur et ton flot d'un vert sombre
Qui laisse s'élancer, au milieu de son ombre
Des feux couleur de sang tout le long du cristal,
Comme si le Seigneur, en signe de prudence,
Avait voulu mêler à ton vert d'espérance
Quelque signe fatal.

Belle comme la mer, comme ses flots cruelle,
Tu peux quand tu le veux aussi, cacher comme elle,
Sous un calme apparent tes instincts irrités,
Et ton flux fait tourner un océan de têtes,
Qui battent en riant, les soirs des jours de fêtes,
Les portes des cités.

Pour moi, qui ne veux pas atteindre la vieillesse,
Je veux contre ta force essayer ma faiblesse,
Combattre contre toi, t'étreindre corps à corps.
Je veux voir, aujourd'hui, dans un duel terrible,
Si tu peux soutenir ton titre d'invincible:
Notre témoin sera la mort!




 


The Booze Bibbing Order of Bacchus

A Magical Mystical Order, Using Traditional Methods and Alcohol

 

 




Ernest Dowson 1867-1900

"L'Absinthe rend la Poule plus tendre"
Ernest Dowson

 



 

Absinthia Taetra

 

Green changed to white, emerald to opal; nothing was changed.
The man let the water trickle gently into his glass, and as the green clouded, a mist fell from his mind.
Then he drank opaline.

Memories and terrors beset him. The past tore after him like a panther and through the blackness of the present he saw the luminous tiger eyes of the things to be.
But he drank opaline.

And that obscure night of the soul, and the valley of humiliation, through which he stumbled, were forgotten. He saw blue vistas of undiscovered countries, high prospects and a quiet, caressing sea. The past shed its perfume over him, to-day held his hand as if it were a little child, and to-morrow shone like a white star: nothing was changed.
He drank opaline

The man had known the obscure night of the soul, and lay even now in the valley of humiliation; and the tiger menace of the things to be was red in the skies. But for a little while he had forgotten.
 Green changed to white, emerald to opal; nothing was changed.

 

Je suis la Fée verte
Ma robe est couleur d’espérance
Je n’ai rien de commun avec les Fées du temps passé
Ce qu’il me faut à moi, c’est le sang
rouge et chaud,
C’est la chair palpitante de mes victimes
A moi seule, je tuerai la France, le présent est mort.
Vive l’Avenir
Mais moi, je tue l’avenir et encore dans la famille je détruis
L’amour de la patrie, le courage, l’honneur,
Je suis la pourvoyeuse des enfers, des bagnes, des hôpitaux.
Qui suis-je enfin ? Je suis l’instigatrice du rime
Je suis la ruine et la douleur
Je suis la honte
Je suis le déshonneur
Je suis la mort
Je suis l’Absinthe


                                                            Auteur anonyme

 




RETOUR
SUITE