SITTENGESCHCHTE DER KULTURWEELT UND  IHRER ENTWICKLUNG IN EINZELDARSTELLUNGEN.  Herausgegeben von Léo SCHIDROWITZ.  Verlag für kulturforschung. Wien/Leipzig, 1927.




HISTOIRE DES PERVERSIONS DES DIFFERENTES EPOQUES ET DES PASSIONS QU'ELLES ONT SUSCITEES.
Verlag für kulturforschung. Wien/Leipzig, 1927.

Avec environ 200 illustrations monochromes et polychromes et un supplément. Edition pour la recherche culturelle. Table des matières : introduction, folie et extases collectives (épidémies de maladies mentales) (flagellants,  danses furieuses, sorcellerie, messes noires), les stupéfiants (nicotine, alcool, opium, morphine, cocaïne), les vices sexuels dans leur variété, l'homosexualité ...

(C'est  ici la partie "cocaïne" que je vous soumets)

- Partie "Opium" du même ouvrage -


Cocaïne


         
  Autant ce genre de cure de sevrage à la morphine de ce genre, entreprise soudain, sans ménagements, pouvait être efficace, autant l’hérésie venue d’Amérique (1878), qui prétendait soigner la morphinomanie par la cocaïne, fut néfaste. Une idée malheureuse, à laquelle adhéra alors, parmi d’autres médecins européens, le professeur S. Freud (42), qui est depuis devenu si célèbre. L’un des premiers à s’élever énergiquement contre cet usage néfaste de la cocaïne pour le sevrage de la morphine, en 1885, fut A. Erlenmeyer (43), qui, dans la troisième édition de l’ouvrage déjà cité, La Morphinomanie et son traitement (1887), le maudit absolument :

         « Cette méthode de traitement a promis récemment, au son des trompettes, une délivrance assurée pour tout le monde. Mais aussi grand fut le tintamarre mené sur ce moyen de libération « d’une valeur inestimable », « tout simplement indispensable », non seulement dans la presse professionnelle, mais aussi - à la honte de notre profession, cette pratique fâcheuse du monde moderne doit être ici stigmatisée - dans la presse quotidienne politique, autant son efficacité réelle était limitée. La critique objective devait en apporter la preuve très rapidement. L’arrière-plan de ce tintamarre était l'inexpérience et la publicité. Cependant cela ne s’arrêta pas ainsi. Le châtiment s’ensuivit, sous une forme plus effroyable encore : l’usage devint abus, les bons génies appelés à l’aide se muèrent en terribles furies ».


       
  Erlenmeyer  n’avait pas noirci excessivement la situation. Il apparut une nouvelle toxicomanie combinée, la morphinococaïnomanie, à laquelle de nombreuses personnes sont adonnées aujourd’hui encore, comme cela ressort de l'article de l’Hebdomadaire de médecine munichois (1925, 346), déjà mentionné plus haut, écrit par un médecin anonyme qui observait son propre cas. Il décrit de manière expressive comment il s’est habitué à la morphine, comment son désir d'atteindre « le bonheur parfait » exigeait des doses de morphine toujours plus fortes, jusqu’à ce que l’efficacité diminue et que les troubles apparaissent. Ceux-ci l’amenèrent automatiquement à la cocaïne, leur meilleure remède, qui, quand les doses étaient augmentées, accroissait toujours aussi, très sensiblement, ses capacités de travail et son activité. Mais bientôt, ce remède aussi montra sa face cachée, et apparurent des migraines, des hallucinations, et d’autres troubles, en si grand nombre qu’il se tourna à nouveau vers la morphine pour soigner ces symptômes. Comment les deux drogues travaillèrent alors de concert, comment la morphine l’avait amené à la cocaïne, qui l’avait ramené à la morphine, jusqu’à ce que les deux le possèdent complètement, o, lit tout cela comme dans un roman d’horreur.
         Ainsi s’accomplit la prophétie que L. Lewin avait formulée dans l’Hebdomadaire clinique berlinois en 1885 : on ne trouverait, dans cette recherche fatale, qu’in remède si dangereux qu’ « un homme qui utiliserait les deux substances
 s'adonneraient à une double toxicomanie. ». Cela fut pire encore. On  commença à utiliser la cocaïne seule, comme moyen de plaisir, et des cercles toujours plus larges tombèrent sous l’emprise de la cocaïnomanie ; les artistes, les chercheurs furent atteints, toujours plus profondément, par cette passion destructrice. « Tous ceux , disait Lewin, qui croient par ce moyen passer les portes du plaisir et se trouver dans le temple du bonheur, paient de leur vie et de leur âme ce bonheur d’un instant. Ils franchissent bientôt les portes du malheur, vers la nuit du néant. »
         Ainsi, vers 1902, dans des endroits connus, en particulier dans les cercles d’artistes décadents, par exemple
  à Paris, Londres, Munich, Berlin, on s’adonnait souvent au vice de la cocaïne. En outre, il y eut quelques médecins et pharmaciens qui se livrèrent à cette dangereuse drogue. Alors vint la guerre, qui provoqua un accroissement incroyable de la cocaïnomanie. Comment la cocaïnomanie pendant et après la guerre, atteignit des milieux toujours plus larges, comment, dans les milieux connus de ceux qui étaient restés chez eux, ainsi que, plus tard, chez beaucoup de ceux qui revenaient, les conditions psychiques générales pour une consommation de stupéfiants se rencontrèrent en masse, Joël et Fränhel (44) le justifient de la manière suivante :

         
  Pendant la guerre : l’enrichissement rapide et relativement facile, dû à la disparition d’un grand nombre de loisirs et de dépenses s’autrefois, l’incertitude de toutes choses, menèrent à une soif de jouissance rapide, aussi emportée que possible.. Après la guerre : l’absence de travail régulier, souvent l’anéantissement des ressources financières, une exigence d’ivresse qui avait grandi, s’était développée après les années de privation, cet état d’esprit dans son ensemble, qui se traduisit par la rage de danser, l’ouverture en masse des lieux de plaisir superficiel, l’étalage sans gêne de la prostitution - tout cela produisit un terrain favorable à la diffusion de ce nouvel excès. »
         Ainsi vit-on renaître une forme d’auto-intoxication, qui avait été usuelle plusieurs centaine d’années auparavant dans le pays où l’arbuste à coca, et semblait hors d’actualité depuis longtemps. Car il y a presque 800 ans que les occidentaux ont découvert la puissance extraordinaire de ce stupéfiant, qui devait devenir durant ces deux dernières décennies, un danger social pour l’Europe et au-delà.

         Le conquérant espagnol Pizarro découvrit en 1532, en Amérique du Sud, l’arbuste « Erythoxylon coca », qui, avec ses fleurs blanches, ressemblerait de loin au prunellier, et portait des fruits rouges. Les indigènes jugeaient cet arbuste salutaire, car ils attribuaient à ses feuilles, qu’ils mâchaient mêlées à des cendres végétales ou à de la chaux, des pouvoirs extraordinaires. Ils célébraient ces feuilles comme « végétal divin », « qui rassasie l’affamé, donne de nouvelles forces à celui qui est fatigué, épuisé, et fait oublier son chagrin aux malheureux. »
  C’est avec des feuilles de coca dans la bouche que l’on sacrifiait les victimes aux dieux, que l’on accomplissait les cérémonies ; on en donnait aux morts dans leur tombe ; et on brûlait ces feuilles miraculeuses en l'honneur de la divinité. Et les dieux de l’amour étaient représentés avec des feuilles de coca à la main, sans doute pour exprimer leurs capacités aphrodisiaques . « La coca, dit Pöppig (45), est pour le Péruvien la source de ses plus belles joies, car sous son emprise, sa morosité habituelle recule, et sa noble imagination fait apparaître pour lui des images dont il n’aurait pas le plaisir dans son état d’esprit habituel. Elle ne peut cependant pas procurer la terrible impression de surexcitation de l’opium, mais elle offre un état qui n’est pas désagréable, et deux fois plus dangereux, parce que,  s’il est d’un moindre degré, il  dure beaucoup plus longtemps. » C’est pourquoi le « coquero » -



ainsi nomme-t-on au Pérou celui qui est passionnément adonné à la cocaïne - devient graduellement « indifférent à toutes les véritables raisons de vivre, il est encore plus esclave de sa passion que le buveur de vin, et cette consommation l'expose à des dangers encore plus grands. « Un tableau moins cru et moins désagréable des effets et des conséquences de la cocaïne est dressé par d’autres voyageurs comme H.A. Wedell (Voyage dans le Nord de la Bolivie, Paris, 1853), ou J.J.V. Tschudi (Pérou, esquisses de voyage de 1832 à 1842, St Gallen, 1846). Ce dernier rapporte ceci, d’après les dires d’un observateur plus âgé : « les Indiens, grâce à une consommation régulière de coca, n’ont besoin que de très peu de nourriture, et si l’on double la dose, ils n’ont presque plus besoin de rien, et de plus ils accomplissent facilement les travaux les plus harassants. C’est pourquoi ils attribuent à la coca des pouvoirs extraordinaires, et croient même qu’elle peut remplacer complètement la nourriture. Autant ils exagèrent la puissance de cette feuille, autant certains voyageurs récents, dans l’opinion qu’ils ont exprimée, l’ont trop rabaissée : la coca serait un stimulant passager seulement, et après cette efficacité momentanée, les autres besoins exigeraient leur dû ave une puissance redoublée, et pour cette raison ils la définissent comme absolument nocive. Je ne peux me ranger à cet avis, et je crois qu’un usage modéré bib seulement n’a rien de préjudiciable, mais serait très salutaire à la santé. « En effet, le physiologiste italien Paul Mantegazza
(46), en se fondant sur l’autre expérimentation, rapporte qu’après avoir mâché une petite quantité de feuilles de coca, il avait eu la sensation d’une augmentation de sa force et de son activité, et que son entourage avait eu l’impression d’un accroissement de la vivacité de langage et de l’envie de travailler. Avec des doses plus importantes, apparurent progressivement une sensation d’isolement du monde extérieur, l’impression de béatitude, ensuite se manifesta une tendance à l’immobilité, interrompue toutefois par de temporaires accès d’agitation, et cela se termina par un long sommeil et des rêves agréables.
         Maintenant nous savons, non seulement par les rapports de Pöppig, mais aussi par les observations de médecins sud-américains, que chez les indigènes il existe une maladie particulière de la coca, appelée « Opilacion », et provoquée par’l'usage habituel des feuilles de coca. Elle se caractérise par des troubles de la digestion, la constipation, le teint jaune,
l’insomnie et l’amaigrissement. A la fin, on en arrive à la misère physique et morale. Des symptômes pénibles, que l’on observe, comme les effets agréables mentionnés plus haut, également chez les consommateurs de cocaïne modernes.

         L’arbre à coca est longtemps passé inaperçu en Europe, jusqu’à ce qu’en1860 Albert Niemann, dans le laboratoire de Wöhler à Göttingen, réussisse à isoler l’alcaloïde des feuilles de coca, qu’il nomma cocaïne. Aussitôt Niemann fit remarquer les propriétés anesthésiques de la substance qu’il avait découverte, mais il fallut encore un quart de siècle pour que les médecins en tirent des conclusions pratiques. Ce n’est qu’en 1884 que Koller
(47), un ophtalmologiste viennois, déclara que dans la pratique, on pouvait faire usage de ces propriétés analgésiques de la cocaïne avec une réussite assurée ; alors ce remède fut utilisé un peu partout, et en particulier en chirurgie (progressivement !). Son introduction ne comportait au début aucun danger, car il était utilisé uniquement par des médecins, à des fins curatives, et resta totalement inconnu du grand public en tant que drogue. Le danger survint seulement où, comme nous l’avons indiqué précédemment avec plus de détails, l’on voulut soigner les morphinomanes avec de la cocaïne. Une erreur funeste qu’il fallut de nombreuses années pour réparer. Car dans les journaux et les périodiques, la cocaïne avait la réputation d’un remède miraculeux ;en Amérique,





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